On insiste souvent sur le fait que la théorie d’évolution des espèces, la biologie évolutionnaire, est mal comprise. Jean Staune se prête en exemple pour illustrer cet état des choses, certes pas volontairement, mais le résultat est là, fraîchement imprimé et donc destiné à rester dans l’histoire (avec petit « H »). Que je consigne son cas, porteur de la Staune touch!.
Le 15 septembre 2006 22:29:43 HAEC, Jean Staune m’adressait (parmi d’autres) le brouillon de son 11ème chapitre.
Ma réaction à chaud après la lecture a été la suivante :
16 septembre 2006 10:35:49 HAEC : […] A lire votre chapitre XI il est évident que vous ne réussiriez pas un examen portant sur la théorie néo-darwinienne de l’évolution; vous parlez d’un sujet que vous ignorez. Un peu comme B[snip] D[snip]. Pas besoin d’être un super-quoi que ce soit pour s’amuser avec vos tentatives pathétiques de réfuter une théorie que vous ne maîtrisez pas.
Vous aurez un cercle qui va vous applaudir, mais composé de personnes qui ne connaissent pas plus le sujet, que vous, des gens avides d’histoires pour enfants pour les rassurer avant le dodo. Si vous écriviez de la fiction il n’y aurait aucun problème…
Mais n’allez pas imaginer que votre prose puisse être considérée comme de la science, la désillusion, si un jour vous arrivez à évaluer la situation de façon lucide, pourrait être pénible. […]
Si le reste est du même acabit, mes condoléances anticipées pour votre « grande oeuvre »
En comparant avec le livre je mesure le travail qu’il a fourni en six mois (au moins pour améliorer ce chapitre en particulier) : peu et mal fait. Et mon message d’alors reste d’actualité.
Ce n’est pas seulement un « exemple d’ignorance », mais aussi un exemple des méfaits que peuvent occasionner les a priori quand il s’agit de réfléchir pour tenter d’expliquer un ensemble de faits.
Jean s’enfonce dans les détails à la recherche de son Dieu, évitant soigneusement de voir ce qui ne sert pas son dessein : trouver un dieu, qui que ce soit, où que ce soit, à condition qu’il existe.
En découvrant le nouveau titre, « Des ‘histoires comme ça' », je ne pensais pas que Jean avait décidé de nous raconter des « fairy tales », mais de nous parler à propos de. La technique de discussion est restée la même, pas la peine de revenir dessus pour l’instant.
Le langage est choisi pour renforcer le propos : téléologique à souhait avec des tournures de phrases façon prestidigitateur :
- Gould, Dennet ou Dawkins, dans leurs bouquins, ne donnent pas des explications au sujet des exemples qu’ils présentent, ils racontent des histoires [« … de nombreuses autres histoires de cette nature, … » p. 268 § 8]
- de même, il ne rapporte pas ce qui est connu au sujet des Lampsillis et des Kallima, non, il raconte, lui, deux histoire. En fait, au sujet des Kallima il raconte bien des histoires 🙂 Mais j’y reviendrai. [« Pour étudier cette question, commençons par deux histoires… » p. 271 § 4]
- il ne parle pas d’évolution, mais de progrès, ce qui suppose qu’un objectif est fixé et que quelque chose, ou quelqu’un, tente de l’atteindre « Dans tous les cas (sauf dans le premier qui ne peut guère être à la source de grand progrès puisqu’il repose sur le seul hasard)… » p. 271 § 1]
- comme d’habitude (par ceux qui ont du mal à intégrer le darwinisme), il dissocie allègrement source de variance (mutations) et sélection; il a beau savoir qu’il ne faudrait pas le faire [« Or, le darwinisme, ce n’est pas cela, insistent les darwiniens (sic) : c’est le ‘hasard couplé à la sélection naturelle’ » p. 271 § 1]. Trois lignes en dessous, il part sur la base de : « Ainsi, la question fondamentale nécessaire pour juger de la validité du darwinisme devient : ‘Quelle est la puissance exacte de la sélection naturelle ?’ » p. 271 § 2]1
- les papillons ne se ressemblent pas, ils s’imitent ! Les motifs sur leurs ailes ne ressemblent pas à ceci ou cela, ce sont les papillons qui l’imitent2. Non pas seulement ils s’imitent entre eux, mais c’est dans un certain sens : les comestibles imitent les non-comestibles ! Eh oui, le papillon moyen serait un fin toxicologue (Jean, j’ai failli cracher mon Perrier par le nez 🙂 )Ou peut-être pas, des fins statisticiens – démographes – lépidoptéristes voués à l’étude de l’incidence des motifs sur la survie des cousins3. Dans le monde merveilleux de
Disney Jean Staune, les papillons sont ainsi. Ah, l’activité imitante de la nature, de Remy Chauvin, qui joue des tours à son admirateur, qu’est Jean.
Jean Staune, en fin connaisseur du néodarwinisme et peut-être même biologiste qui a raté sa vocation, s’aventure à proposer des scenarii de la façon dont l’évolution s’est passé, ou a nous expliquer ce que la biologie évolutionnaire nous propose : « Ainsi, ‘face à un organe ou une fonction quelconques il n’existe qu’un nombre limité d’explications possibles à son existence, dans un cade néodarwinien. » p. 270 § 5. Et à nous sortir quatre cas de figure. Bah, manque de synthèse. Un seul cas de figure suffit amplement pour tout inclure, y compris ce que Jean a oublié 😉
Il/elle est là par hasard, produit d’une ou plusieurs mutations, ne servant rien (les mutations), sélectionné(e) par des conditions particulières et transitoires du milieu4.
Le plus bidonnant est la séquence évolutionnaire ayant abouti à ses Kallima chéries à imitation experte d’une espèce de champignon particulière.
La séquence qu’il propose lui est nécessaire pour blablater. Or, c’est un choix arbitraire, et il le sait. En admettant les six étapes que Jean définit, la séquence proposée n’est qu’une de 720 possibles; je subodore qu’il n’a pas examiné les 719 restantes. Je les lui ai préparées pour qu’il puisse s’y employer5.
Ce qui ne signifie pas que ces six étapes existent ailleurs que dans l’imagination de Jean.
Il est au courant que certains Kallima n’ont pas de motifs proches de près ou de loin à des champignons. Ce qu’il semble ignorer, c’est qu’il y a des Kallima qui semblent infectés par des champignons d’autres genres. En fait, il semble qu’il est très difficile de trouver deux Kallima identiques. Il y a un continuum de variations de motifs qui ressemblent plus ou moins à ceci ou cela.
Je me demande combien d’espèces de champignons différentes un mycologue pourrait reconnaître s’il disposait de quelques milliers de Kallima 🙂 Pas une particulière en tous cas.
Bah ! Une feuille pourrie par l’un ou l’autre champignon, c’est toujours une feuille pourrie; Beurk dirait l’oiseau non-mycologue certes, mais ayant déjà tenté de manger quelque chose qui ressemble à un Kallima-feuille-pourrie, une vraie feuille pourrie, même vaguement pourrie, beurk, beurk, beurk.
Commençons par cette ressemblance entre papillons toxiques et non-toxiques. Si les papillons ressemblant n’habitent pas au même biotope (et là le biotope en question n’est pas uniquement celui des papillons eux-mêmes mais aussi de leurs prédateurs, n’oublions pas que papillons et oiseaux sont migrateurs, pour certains) que les papillons toxiques il n’y a aucun avantage à tirer d’une ressemblance fortuite. Mais si les prédateurs goûtent des papillons soit toxiques, soit simplement pas comestibles parce que infectes au goût, ceux qui leur ressemblent auront un avantage partagé (pas intentionnellement). Il est intéressant de noter que même si les espèces toxiques apparaissent une fois la ressemblance avec les non toxiques est en place, le bénéfice sera partagé. Il n’y aucune raison pour que la ressemblance soit établie avant ou après la toxicité de certains. Il n’y a pas de sens. Comme il n’y a pas d’imitation intentionnelle. Le sens a été introduit par Jean Staune juste parce que ça l’arrange.
Revenons aux Kallima. Les Kallima n’imitent rien du tout. Certains motifs des ailes des Kallima, qui sont fortement polymorphes, peuvent ressembler suffisamment à l’une ou l’autre des espèces de champignons qu’un mycologue connaît. Nous ne savons pas quelle espèce de champignon Roger Heim a cru reconnaître. Est-ce important ? Bien sûr, pour au moins deux raisons : il faudrait savoir quel est le polymorphisme des « taches » du champignon lui-même, s’il est un tant soit peu polymorphe qu’il y ait coïncidence entre les deux « systèmes de taches » n’est pas étonnant – et il faudrait aussi savoir à quelle étape de l’infection ressemblent les taches, mais là je rentre dans les détails franchement visuels pour JS;
😉
puis j’aimerais savoir si le dit champignon est endémique en Ceylan, puisque si ce n’est pas le cas il n’y a aucune raison que son imitation soit considérée par les prédateurs 🙂 Ou par quiconque d’autre.
Enfin, toujours est-il que les Kallima sont d’un polymorphisme fort agréable.
Reste l’autre côté du problème Kallima. Comment ça se fait que les oiseaux ne les ont pas tous boulottés ces papillons si voyants pendant qu’ils volent ? En dehors de l’hypothèse banale que comme tout équilibre proie/prédateur les Kallima doivent se reproduire suffisamment pour remplir la partie de l’estomac de leurs prédateurs qui leur est réservée, il est probable que leur design voyant soit un camouflage bien efficace quand les Kallima sont ailleurs que sur des branches mortes. Disons sur des feuilles vertes, troncs, ou même sur des fleurs !
Une dernière chose au sujet des Kallima.
Bien sûr vous savez que la couleur des papillons n’est pas due à des pigments. Non ? Eh bien googlez un peu tous seuls ou allez direct chez Daniel Cordier et cherchez « iridescence ». Ce qui est intéressant est que l’angle sous le quel est vu un papillon et l’angle d’incidence de la lumière va le rendre voyant ou non ! 🙂 Vous me voyez venir ? Maintenant, même si vous saviez ceci allez voir l’animation morpho que Daniel Cordier présente. Intéressant. Pendant le vol les Kallima doivent être plus ou moins voyantes suivant l’angle des ailes. OK, ça serait mieux si je montrais que la « couleur » du Kallima change suivant l’angle, plutôt que de parler des Morphos.
Aile gauche « bien bleue« , aile droite nettement moins bleue. Une autre illustration du même phénomène avec un Kallima.
Sous cet angle ni bleu ni orange. Ca fait plutôt feuille morte, non ? Alors pourquoi sous certains angles les Kallima voudraient avoir des belles couleurs voyantes ? Est-ce probable que ce soit pour les amours ? Après tout ses papillons doivent bien vouloir se reproduire aussi, ils ne doivent pas passer leur temps à se cacher.
Ras le bol avec les Kallima, je n’ai pas l’étoffe d’un lépidoptériste. Passons aux Lampsilis. C’est vrai qu’ils sont étonnants ces bivalves.
Jean (et peut être Chauvin) se demande pourquoi la sélection aurait privilégié les Lampsilis dont les oeufs ne sont véhiculés que par les branchies des poissons qui les attaquent les prenant pour de la nourriture. Ca lui semble paradoxal. 😀
Jean doit ignorer que les Lampsilis vivent en eaux douces, dans des rivières. Et ils ne nagent pas. Il leur est donc très difficile de remonter le courant. S’ils laissent leurs oeufs dériver ils finiront à la mer, c’est simple, ce n’est pas la peine d’avoir un QI supérieur à 100 pour s’en rendre compte.
Les oeufs des Lampsilis peuvent diffuser vers la source de la rivière, en eau douce, et coloniser un milieu dans lequel ils ont moins de compétition. Ca crève les yeux, pas besoin d’être un expert ès Lampsilis pur s’en rendre compte.
Si on se pose la question de savoir si une membrane qui ressemble pas encore à un poisson pourrait être fonctionnelle en tant que leurre, il suffit de regarder Ligumia recta. Oui, ça fonctionne 🙂 Il ne s’agit pas de pastiche de poisson, il s’agit de leurre, vu Jean ?
Comment est-ce possible ? C’est un leurre, juste un leurre, les poissons l’attaquent pour manger, pas pour lui faire la cour. Il suffit que ce soit appétissant, et les poissons trouvent appétissantes des chose étonnantes, à conditions qu’elles aient la bonne couleur et le mouvement qui va avec. Aller voir les mouches de Jacques Héroux pour comprendre de quoi je parle. Puis googlez aussi un peu, le Net est rempli de choses extraordinaires que les poissons voudraient manger et qui ne ressemblent pas à un poisson particulier.
A la place de Jean Staune j’aurais choisis quelque chose de plus étonnant que les Lampsilis, disons les Ouachita kidneyshells, qui ont des ovisacs avec yeux et bouche. Mais ils n’ont rien de non darwinien eux non plus 😉 Ils représentent une autre étape dans une série de leurres plus ou moins efficaces qui permettent aux unionids de remonter le courant sans qu’ils sachent nager. Et tout marche, même ce qui ressemble le moins à un poisson.
A suivre…
1 – Merde Jean ! Lis ce que tu écris au moins. Mutations + Sélection. Tu devrais le copier quelques centaines de fois pour que ça rentre.
2 – On imaginerait une convention annuelle de papillons, qui font des présentations sur les avantages et inconvénients des divers camouflages et un défilé des dernières créations alliant sex appeal et sécurité forestière. Ainsi, les Catopsilia pomona pourraient discuter avec les Kallima pour savoir s’il vaut mieux imiter une feuille verte ou une feuille morte.
3 – Fins quelque chose mais pas fins mycologues !
4 – Tu vois Jean, ce n’était pas si compliqué que tu aurais pu le penser. En plus, tu oublies régulièrement la notion du transitoire. L’essentiel des espèces ont déjà disparu, n’oublies jamais ça. Je sais que tu t’imagines éternel, mais …
5 – La liste complète, balisée en html a été générée en moins de trois minutes Jean, ne crains pas que je perde mon temps pour toi.
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